Dans cet article datant de l’année dernière que je consacrais à Virginie Mouzat, je vous avais déjà parlé de Cathy Horyn. Elle fait partie de mon trio de “Superwoman” du journalisme Mode, notamment parce qu’elles sont franches, intraitables et restent parmi les RARES à ne pas aller dans le sens du vent quand le reste du milieu Fashion le fait. En gros, elles sont plutôt grande gueule, chacune à leur manière, et les multiples pressions qu’elles peuvent subir (de la part des marques ou de leur propre direction éditoriale) ne les effraient pas.
Suzy Menkes (International Herald Tribune) a une approche très technique et contextuelle quand elle critique une collection. Virginie Mouzat (Le Figaro) a une vision culturelle (ou “intello” pour faire court). Cathy Horyn, elle, tranche dans le vif. C’est ce qui a fait sa réputation. C’est rarement gratuit, mais elle sait dire ce qui coince sans prendre des pincettes… et cela lui a souvent valu d’être bannie des défilés de certaines marques, qui ne souhaitaient plus l’inviter à cause de ses articles jugés trop acerbes. Le Daily Beast a déclaré qu’elle était la critique Mode la plus crainte, et même si ça peut semler un brin exagéré, ils ne sont pas loins de la vérité. Après tout, c’est bien elle qui a osé parler ouvertement de l’inutilité de la VOGUE FASHION NIGHT OUT (attaque directe à l’égard d’Anna Wintour). C’est elle qui a dit qu’Alexander Wang n’était “pas vraiment un designer“, et que son succès était dû “à des vêtements fabriqués en Chine et donc vendus à des prix raisonnables”. Et enfin, c’est aussi elle qui a déclaré, à l’époque, que Decarnin (ex-Directeur Artistique de BALMAIN) devrait faire “autre chose que d’appuyer sur le bouton RAPPEL” (allusion aux collections Balmain qui s’enchaînaient et se ressemblaient toutes).
Avec le temps, on se dit qu’elle aurait voulu peut-être rentrer dans le rang… peine perdue.
A chaque fashion week, ses polémiques. Elle a d’abord émis des critiques très sévères à l’encontre des “blogueurs mode qui se prennent pour des journalistes”. Elle n’a pas été la seule à faire de telles remarques bien sûr, mais les siennes ont eu pour mérite de ne pas tourner autour du pot. Bis repetita cette fois, à l’encontre d’Oscar de la Renta.
Nul besoin de présenter Mr de la Renta. Il s’agit d’une de ces figures incontournables de la mode américaine. Formé par Mr Balenciaga Himself, il a habillé tout ce que l’establishment compte de femmes célèbres (Julia Roberts, Jackie Kennedy..et plus récemment, Ann Romney, épouse du rival d’Obama dans la course à la Maison Blanche). On parle donc de quelqu’un qui a pignon sur rue, et un designer spécialiste des “robes-uniquement-conçues-pour-les-tapis-rouges”. Ce papy de 80 ans, originaire de la République Dominicaine, est une institution et son cercle d’amis se résume entre autres à Sarah Jessica Parker et Diane Von Furstenberg. Autant le dire, on ne critique pas Papy Oscar comme ça.
J’ai dit plus haut qu’Oscar de la Renta était une institution de la mode américaine….. Hé bien, Cathy Horyn n’est pas du tout d’accord, et c’est bien ça qui mettra le feu aux poudres. Quelques heures après avoir assisté à son défilé, Mme Horyn publie sur le site du New York Times, sa critique à l’endroit de la collection Printemps/Eté 2013 de la marque. Et une petite phrase d’introduction suffit à donner le ton: ” Monsieur de la Renta est plus un hot dog qu’une éminence grise de la mode américaine “. Cette phrase est une pique indirecte (je pense) à Nicole Phelps qui écrivait 24h plus tôt sur Style.com “Oscar de la Renta is New York fashion’s éminence grise.” (avec la petite pub De la Renta à côté, pour ne pas gâcher le plaisir).
Cathy Horyn poursuit sa petite revue en disant (en substance) que la collection est acariâtre et manque de réalisme par rapport à son époque.
Petite précision importante: comparer Oscar de la Renta à un Hot Dog ici n’est pas à prendre au sens premier. En anglais “Hot Dog” signifie également être un “cheveu sur la soupe”, ou plus globalement être hors sujet/hors propos. Mais bien évidemment, vous imaginez bien qu’à la publication de cette petite phrase assassine, peu de gens sont allés chercher les différents degrés de lecture de cette expression.. Ni une, ni deux, Papy Oscar ne se démonte pas et décide, à son tour, de publier une lettre ouverte adressée à Mme Horyn:
Vous avez bien lu. Il répond à la journaliste du New York Times en la traitant de “hamburger qui passé 3 jours“. Je peux comprendre qu’il ait été vexé qu’on ose le destituer d’une place à laquelle il a droit après près de 50 ans dans l’industrie du luxe… mais je n’ai pas trouvé la critique de Cathy Horyn SI insultante que cela, ou relevant de l’attaque personnelle comme il le stipule. En même temps, avant même de voir la critique d’Horyn, je trouvais la dite collection pour le moins ratée.
Tout ceci nous ramène à cet éternel débat qui est de savoir jusqu’où un journaliste peut aller dans la critique. Et la question ne se pose bien évidemment pas que dans la mode. Après la couverture très limite “Casse-toi Riche Con !” du quotidien Libération au sujet de la supposée évasion fiscale que prépare Bernard Arnault (homme le plus riche d’Europe et propriétaire du 1er groupe de marques de luxe au monde), on a appris que LVMH (société de Mr Arnault) a décidé de retirer l’intégralité de ses publicités du journal. On parle d’une perte estimée environ à 500.000€, en plus de la plainte déposée par Bernard Arnault.
Finalement, la presse et les marques, c’est un peu “Je te tiens, tu me tiens par la barbichette”..
Cathy Horyn tranche dans le vif mais n’ose pas dire qu’ Azzedine Alaia fait la même collection, toutes saisons confondues depuis au moins 15 ans. J’aime lire ses papiers parce qu’elle n’hésite pas à aller dans le sensationnel. Evidemment que la FNO ne sert à rien mais c’est un évènement qui mobilise les gens et marque le début de la NFW.
Si elle trouve tellement que cette collection manque de réalisme par rapport à notre époque, elle devrait étendre sa critique à la plupart des collections New-Yorkaises et mêmes mondiales. Je doute que la vie des femmes se limite à des évènements Red-Carpet ou que beaucoup de femmes rêvent de porter la dernière collection McQueen toute de Froufrous. Oscar De La Renta a une clientèle qui lui est fidèle et représente ce pseudo bon gout à l’Américaine pour femmes républicaines prêtes à déguster leurs cookies autour d’un bon thé…
C’est drôle que tu renvois finalement au cas LVMH car on est finalement dans le même cas de figure: Une Journaliste star qui a une réputation et qui est parfois prête à aller très loin pour l’entretenir. Elle a été bannie d’Armani après avoir relativement insulté sa nièce il y a quelques années je crois…
La reine des critiques de mode reste quand même Suzy Menkes. Elle a une culture folle (parfois pas objective) et j’ai connu plusieurs journalistes qui avant de publier leurs papiers, lisaient d’abord ceux de Suzy même si elle peut faire des erreurs comme en 2001-2002 je crois, où elle a été bannie des shows de LVMH pour une critique très limite sur un show Dior inspiré par le Moyen Orient.
Ce débat sur les journalistes est et sera éternel. On leur demande de l’objectivité, du sensationnel et une totale liberté d’expression. Alors, c’est très bien quand cette liberté d’expression est positive mais quand elle est négative, on oublie parfois qu’elle peut l’être aussi pour la journaliste en question. Pour moi, la vulgarité est la limite à ne pas atteindre mais dans ces 2 cas, elle est largement dépassée.
En parlant de rédactrices, j’ai été surprise ma chère Paola de n’avoir eu aucun écho, sur le blog, de cet autoportrait nu de Virginie Mouzat pour PURPLE il y a 2 an environ: http://purple.fr/diary/entry/self-portrait-of-virginie-mouzat-in-the-67th
Vue sa critique de la collection Tom Ford 1 an après, il y a de quoi rire non?
TRRRRES CHERE LOLA !
Tout d’abord, merci pour tes commentaires que je dévore littéralement (tu pourrais pas ouvrir un twitter, ou un blog ou autre ? lol).
Alors je vais répondre à tous tes commentaires en même temps:
– Pour la Fashion Week de NY: j’ai également adoré Tiffany Amber, Tsemaye Binitie et Maki Oh. J’ai encore beaucoup de mal avec certains designers sud africains. Je pense que c’est peut-être l’excès de tissus, c’est parfois confus et ça va dans tous les sens…
– Pour V. Mouzat: écoutes, je ne sais pas si tu es au courant du buzz qu’il y a eu y a quelques mois où des médias américains ont déclaré qu’elle est la maîtresse de Bernie Arnault.. c’est à ce moment d’ailleurs que j’ai donc découvert son nu pour O. Zahm. D’une part, ça ne m’a pas vraiment étonnée parce que c’était pas du trash à la Roitfeld ou T. Richardson. Ca reste dans son “délire” arty. Mais d’un autre côté, ça a cassé pas mal son “mythe” de femme un brin mystérieuse, pudique et quasi-exclusivement dédiée à son métier. Bon, qu’est-ce que tu veux… lol.
Pour Horyn, effectivement, c’est du sensas’ et je n’ai pas honte de dire que j’aime ça LOL. Menkes, c’est un peu notre “mère” à tou(te)s lol. J’aime sa distance, et sa façon d’être hyper-détachée, sans passion aucune. Du coup oui, ça tranche avec le style de C. Horyn.
Oui oui elle a été bannie de chez Armani, qui a dit qu’il n’avait pas besoin de ses “sarcasmes” hahaha !
Et pour en revenir à la critique du show de la Renta. En fait, elle l’a critiqué en même temps que d’autres designers: http://www.nytimes.com/2012/09/13/fashion/narciso-rodriguez-michael-kors-oscar-de-la-renta-sophie-theallet-fashion-review.html
Le parallèle qu’elle dresse est intéressant, sur l’éventuelle absence de “portabilité” de certaines collections. Alors après, c’est clair qu’il y a PLEINS d’autres designers qui ont le même problème. Et effectivement, ODLR a sa clientèle qu’il ne faut pas forcément bousculer (surtout par temps de crise, même si le luxe dans l’ensemble est pas si affecté que d’autres industries). Ceci dit, je trouve quand même cette collection pas terrible, le latex est juste maladroit, les looks m’ont l’air lourd (silhouettes). Que ce soit pour shooter ou porter les pièces, je ne trouve pas ça super (avis personnel)..
Merci pour tes réponses. Je pense que je n’ai plus rien à ajouter. Pour le blog ou le Twitter…etc. Je ne pense pas (dsl) car c’est beaucoup plus fun de commenter. Le monde de la mode est un monde que je connais un peu trop bien et c’est intéressant d’avoir un point de vue assez détaché comme le tien et de pouvoir participer à un débat. Et puis, il y a tellement de vérités non avouées que je serais susceptible de dévoiler encore plus librement que dans mes commentaires donc…
Pour ODLR,j’avais lu l’article mais comme mon show préféré fût celui de Narciso, je n’ai pas voulu lire le reste. je n’ai pas aimé non plus OSCAR même si le fait du mettre du latex sonnait comme une volonté d’aller vers “un peu plus de modernité”. C’est maladroit pour le coup.
Je reste une lectrice avisée de ton blog et même si j’ai tendance à ne commenter que les articles concernant la mode, sois bien sûr que je lis les autres aussi. 🙂